Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/425

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gieuses, dans ses théories d’économie sociale, dans son industrie privée ; il le porte partout avec lui, au fond des bois comme au sein des villes. C’est ce même esprit qui, appliqué au commerce maritime, fait naviguer l’Américain plus vite et à meilleur marché que tous les commerçants du monde.

Aussi longtemps que les marins des États-Unis garderont ces avantages intellectuels et la supériorité pratique qui en dérive, non seulement ils continueront à pourvoir eux-mêmes aux besoins des producteurs et des consommateurs de leur pays, mais ils tendront de plus en plus à devenir, comme les Anglais[1], les facteurs des autres peuples.

Ceci commence à se réaliser sous nos yeux. Déjà nous voyons les navigateurs américains s’introduire comme agents intermédiaires dans le commerce de plusieurs nations de l’Europe[2] ; l’Amérique leur offre un avenir plus grand encore.

Les Espagnols et les Portugais ont fondé dans l’Amérique du Sud de grandes colonies qui, depuis, sont devenues des empires. La guerre civile et le despotisme désolent aujourd’hui ces vastes contrées. Le mouvement

  1. Il ne faut pas croire que les vaisseaux anglais soient uniquement occupés à transporter en Angleterre les produits étrangers ou à transporter chez les étrangers les produits anglais ; de nos jours la marine marchande d'Angleterre forme comme une grande entreprise de voitures publiques, prêtes à servir tous les producteurs du monde et à faire communiquer tous les peuples entre eux. Le génie maritime des Américains les porte à élever une entreprise rivale de celle des Anglais.
  2. Une partie du commerce de la Méditerranée se fait déjà sur des vaisseaux américains.