Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/426

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de la population s’y arrête, et le petit nombre d’hommes qui les habite, absorbé dans le soin de se défendre, éprouve à peine le besoin d’améliorer son sort.

Mais il ne saurait en être toujours ainsi. L’Europe livrée à elle-même est parvenue par ses propres efforts à percer les ténèbres du Moyen Age ; l’Amérique du Sud est chrétienne comme nous ; elle a nos lois, nos usages ; elle renferme tous les germes de civilisation qui se sont développés au sein des nations européennes et de leurs rejetons ; l’Amérique du Sud a de plus que nous notre exemple : pourquoi resterait-elle toujours barbare ?

Il ne s’agit évidemment ici que d’une question de temps : une époque plus ou moins éloignée viendra sans doute où les Américains du Sud formeront des nations florissantes et éclairées.

Mais lorsque les Espagnols et les Portugais de l’Amérique méridionale commenceront à éprouver les besoins des peuples policés, ils seront encore loin de pouvoir y satisfaire eux-mêmes ; derniers-nés de la civilisation, ils subiront la supériorité déjà acquise par leurs aînés. Ils seront agriculteurs longtemps avant d’être manufacturiers et commerçants, et ils auront besoin de l’entremise des étrangers pour aller vendre leurs produits au-delà des mers et se procurer en échange les objets dont la nécessité nouvelle se fera sentir.

On ne saurait douter que les Américains du nord de l’Amérique ne soient appelés à pourvoir un jour aux besoins des Américains du Sud. La nature les a placés près d’eux. Elle leur a ainsi fourni de grandes facilités