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CHAPITRE V

du gouvernement de la démocratie en amérique.

Je sais que je marche ici sur un terrain brûlant, Chacun des mots de ce chapitre doit froisser en quelques points les différents partis qui divisent mon pays. Je n’en dirai pas moins toute ma pensée.

En Europe, nous avons peine à juger le véritable caractère et les instincts permanents de la démocratie, parce qu’en Europe il y a lutte entre deux principes contraires et qu’on ne sait pas précisément quelle part il faut attribuer aux principes eux-mêmes, ou aux passions que le combat a fait naître.

Il n’en est pas de même en Amérique. Là, le peuple domine sans obstacles ; il n’a pas de périls à craindre ni d’injures à venger.

En Amérique, la démocratie est donc livrée à ses propres pentes. Ses allures sont naturelles et tous ses mouvements sont libres. C’est là qu’il faut la juger. Et pour qui cette étude serait-elle intéressante et profitable, si ce n’était pour nous, qu’un mouvement irrésistible entraîne chaque jour, et qui marchons en aveugles, peut-