Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 2.djvu/59

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électorale des noms célèbres. J’ai dit plus haut qu’en Amérique les hommes d’État de nos jours semblent fort inférieurs à ceux qui parurent, il y a cinquante ans, à la tête des affaires. Ceci ne tient pas seulement aux lois, mais aux circonstances. Quand l’Amérique luttait pour la plus juste des causes, celle d’un peuple échappant au joug d’un autre peuple ; lorsqu’il s’agissait de faire entrer une nation nouvelle dans le monde, toutes les âmes s’élevaient pour atteindre à la hauteur du but de leurs efforts. Dans cette excitation générale, les hommes supérieurs couraient au-devant du peuple, et le peuple, les prenant dans ses bras, les plaçait à sa tête. Mais de pareils événements sont rares ; C’est sur l’allure ordinaire des choses qu’il faut juger.

Si des événements passagers parviennent quelquefois à combattre les passions de la démocratie, les lumières, et surtout les mœurs, exercent sur ses penchants une influence non moins puissante, mais plus durable. On s’en aperçoit bien aux États-Unis.

Dans la Nouvelle-Angleterre, où l’éducation et la liberté sont filles de la morale et de la religion ; où la société, déjà ancienne et depuis longtemps assise, a pu se former des maximes et des habitudes, le peuple, en même temps qu’il échappe à toutes les supériorités que la richesse et la naissance ont jamais créées parmi les hommes, s’est habitué à respecter les supériorités intellectuelles et morales, et à s’y soumettre sans déplaisir : aussi voit-on que la démocratie dans la Nouvelle-Angleterre fait de meilleurs choix que partout ailleurs.