Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/19

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proprement dite, abolissent les formules reçues, détruisent l’empire des traditions et renversent l’autorité du maître.

Les philosophes du dix-huitième siècle, généralisant enfin le même principe, entreprennent de soumettre à l’examen individuel de chaque homme l’objet de toutes ses croyances.

Qui ne voit que Luther, Descartes et Voltaire, se sont servis de la même méthode, et qu’ils ne diffèrent que dans le plus ou moins grand usage qu’ils ont prétendu qu’on en fît ?

D’où vient que les réformateurs se sont si étroitement renfermés dans le cercle des idées religieuses ? pourquoi Descartes, ne voulant se servir de sa méthode qu’en certaines matières, bien qu’il l’eût mise en état de s’appliquer à toutes, a-t-il déclaré qu’il ne fallait juger par soi-même que les choses de philosophie et non de politique ? Comment est-il arrivé qu’au dix-huitième siècle on ait tiré tout à coup, de cette même méthode, des applications générales que Descartes et ses prédécesseurs n’avaient point aperçues ou s’étaient refusés à découvrir ? D’où vient enfin qu’à cette époque la méthode dont nous parlons est soudainement sortie des écoles pour pénétrer dans la société et devenir la règle commune de l’intelligence, et qu’après avoir été populaire chez les Français, elle a été ostensiblement adoptée ou secrètement suivie par tous les peuples de l’Europe ?

La méthode philosophique dont il est question a pu naître au seizième siècle, se préciser et se généraliser au