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Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/346

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et les plus saintes, il se rencontre si peu de révolutionnaires modérés et honnêtes.

Que, dans un siècle d’aristocratie, un homme s’avise par hasard de ne consulter dans l’union conjugale d’autres convenances que son opinion particulière et son goût, et que le désordre des mœurs et la misère ne tardent pas ensuite à s’introduire dans son ménage, il ne faut donc pas s’en étonner. Mais lorsque cette même manière d’agir est dans l’ordre naturel et ordinaire des choses ; que l’état social la facilite ; que la puissance paternelle s’y prête, et que l’opinion publique la préconise, on ne doit pas douter que la paix intérieure des familles n’en devienne plus grande, et que la foi conjugale n’en soit mieux gardée.

Presque tous les hommes des démocraties parcourent une carrière politique ou exercent une profession, et, d’une autre part, la médiocrité des fortunes y oblige la femme à se renfermer chaque jour dans l’intérieur de sa demeure, afin de présider elle-même, et de très-près, aux détails de l’administration domestique.

Tous ces travaux distincts et forcés sont comme autant de barrières naturelles qui, séparant les sexes, rendent les sollicitations de l’un plus rares et moins vives, et la résistance de l’autre plus aisée.

Ce n’est pas que l’égalité des conditions puisse jamais parvenir à rendre l’homme chaste ; mais elle donne au désordre de ses mœurs un caractère moins dangereux. Comme personne n’a plus alors le loisir ni l’occasion d’attaquer les vertus qui veulent se défendre, on voit