Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/443

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les uns au-dessous des autres, d'une certaine manière qui ne varie point. Celui-ci est appelé naturellement par la naissance à commander un régiment, et celui-là une compagnie ; arrivés à ces termes extrêmes de leurs espérances, ils s'arrêtent d'eux-mêmes et se tiennent pour satisfaits de leur sort.

Il y a d'ailleurs une grande cause qui, dans les aristocraties, attiédit le désir de l'avancement chez l'officier.

Chez les peuples aristocratiques, l'officier, indépendamment de son rang dans l'armée, occupe encore un rang élevé dans la société ; le premier n'est presque toujours à ses yeux qu'un accessoire du second ; le noble, en embrassant la carrière des armes, obéit moins encore à l'ambition qu'à une sorte de devoir que sa naissance lui impose. Il entre dans l'armée afin d'y employer honorablement les années oisives de sa jeunesse, et de pouvoir en rapporter dans ses foyers et parmi ses pareils quelques souvenirs honorables de la vie militaire ; mais son principal objet n'est point d'y acquérir des biens, de la considération et du pouvoir ; car il possède ces avantages par lui-même, et en jouit sans sortir de chez lui.

Dans les armées démocratiques, tous les soldats peuvent devenir officiers, ce qui généralise le désir de l'avancement, et étend les limites de l'ambition militaire presque à l'infini.

De son côté, l'officier ne voit rien qui l'arrête naturellement et forcément à un grade plutôt qu'à un autre, et chaque grade a un prix immense à ses yeux, parce que