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Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 3.djvu/90

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tune, et qui dévorent des yeux les biens qu’elle leur promet, longtemps avant qu’elle ne les livre. Ceux-ci cherchent de tous côtés à s’ouvrir des voies plus courtes vers ces jouissances voisines. De la combinaison de ces deux causes, il résulte qu’on rencontre toujours dans les démocraties une multitude de citoyens dont les besoins sont au-dessus des ressources, et qui consentiraient volontiers à se satisfaire incomplètement, plutôt que de renoncer tout à fait à l’objet de leur convoitise.

L’ouvrier comprend aisément ces passions, parce que lui-même les partage : dans les aristocraties, il cherchait à vendre ses produits très-cher à quelques uns ; il conçoit maintenant qu’il y aurait un moyen plus expéditif de s’enrichir ; ce serait de les vendre bon marché à tous.

Or, il n’y a que deux manières d’arriver à baisser le prix d’une marchandise.

La première est de trouver des moyens meilleurs, plus courts et plus savants de la produire. La seconde est de fabriquer en plus grande quantité des objets à peu près semblables, mais d’une moindre valeur. Chez les peuples démocratiques, toutes les facultés intellectuelles de l’ouvrier sont dirigées vers ces deux points.

Il s’efforce d’inventer des procédés qui lui permettent de travailler, non pas seulement mieux, mais plus vite, et à moindre frais, et, s’il ne peut y parvenir, de diminuer les qualités intrinsèques de la chose qu’il fait, sans la rendre entièrement impropre à l’usage auquel