Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/110

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un corps représentatif sur lequel il se repose en partie des soins du gouvernement. Or, il est facile de voir, en étudiant l'histoire récente de la Suisse, que graduellement les affaires dont s'occupe le peuple en Suisse sont en moins grand nombre, et qu'au contraire celles que traitent ses représentants deviennent chaque jour plus nombreuses et plus variées. Ainsi, le principe de la démocratie pure perd un terrain que gagne le principe contraire. L'un devient insensiblement l'exception, l'autre la règle.

Les démocraties pures de la Suisse appartiennent d'ailleurs à un autre âge ; elles ne peuvent rien enseigner quant au présent ni quant à l'avenir. Quoiqu'on soit obligé de se servir, pour les désigner, d'un nom pris à la science moderne, elles ne vivent que dans le passé. Chaque siècle a son esprit dominateur auquel rien ne résiste. Vient-il à s'introduire sous son règne des principes qui lui soient étrangers ou contraires, il ne tarde pas à les pénétrer, et, quand il ne peut pas les annuler, il se les approprie et se les assimile. Le moyen âge avait fini par façonner aristocratiquement jusqu'à la liberté démocratique. Au milieu des lois les plus républicaines, à côté du suffrage universel lui-même, il avait placé des croyances religieuses, des opinions, des sentiments, des habitudes, des associations, des familles qui se tenaient en dehors du peuple, le vrai pouvoir. Il ne faut considérer les petits cantons suisses que comme des gouvernements démocratiques au moyen âge. Ce sont les derniers et respectables débris d'un monde qui n'est plus.

Les démocraties représentatives