Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/13

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gereux de l’ordre public : il faudrait donc les séparer. Mais est-il vrai qu’en les isolant on risque de les rendre fous, et qu’on met en péril leur propre vie ? S’il en était ainsi, l’emprisonnement cellulaire serait inapplicable. Maintenant, au lieu de les détenir soit dans une confusion dépravante, soit sous le régime d’un isolement meurtrier, ne pourrait-on pas les déporter dans quelque pays transatlantique, où, loin du théâtre de leurs crimes, ils pourraient, sur une terre nouvelle, recommencer une meilleure vie ? C’est, dit-on, ce qu’on a tenté de faire dans ces derniers temps. Mais est-il vrai aussi que ceux qu’on arrachait aux vices de la prison et du bagne ont été jetés dans des contrées insalubres où rien n’était préparé pour les recevoir ; rien pour les y faire vivre ; rien pour les y retenir ; que les uns y ont trouvé la mort à laquelle leur arrêt ne les avait point condamnés, et que les autres, s’échappant de la colonie pénale qui devait les contenir, sont revenus dans la mère-patrie, qu’ils ont épouvantée par de nouveaux forfaits ?

Disons-le, les règles qui président à un bon régime d’emprisonnement, celles suivant lesquelles le système de la déportation est applicable aux condamnés, ne sont point arbitraires ; elles peuvent sans doute se modifier suivant les circonstances, les temps, les mœurs des peuples et les climats différents ; mais elles ont quelque chose de fixe et de permanent qui ne change pas. Il importe que ces principes soient bien connus de ceux auxquels sont remis ces grands intérêts sociaux ; et qui n’aperçoit la multitude et la gravité de toutes les ques-