Aller au contenu

Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/156

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette place n’était pas imprenable. Charles VII mit quatre-vingt lances dans sa nouvelle conquête, Cherbourg ne devait revoir les Anglais dans ses murs que trois cent huit ans après cette époque (1758).

La grande lutte du moyen âge entre la France et l’Angleterre une fois terminée, Cherbourg retomba dans l’obscurité. Ce qui occupe le plus les chroniqueurs de cette époque, c’est la description d’une vaste machine qu’inventa, vers 1450, un certain bourgeois de Cherbourg, nommé Jean Aubert, et qui servait à représenter, à l’aide d’un grand nombre de personnages mus par des roues, l’Assomption et le Couronnement de la sainte Vierge dans le ciel. Celle invention parut si merveilleuse, que la machine, placée dans l’église, y fut conservée sous la surveillance de douze notables : tous les ans, le jour anniversaire du départ des Anglais, on l’exposait et on la faisait mouvoir en grande pompe devant le peuple. Cette parade religieuse et patriotique ne fut supprimée qu’en 1702, et la machine elle-même ne fut détruite qu’en 1789. Les agitations qu’amenèrent dans toute l’Europe les réformes du seizième siècle se firent à peine sentir à Cherbourg. En Normandie, comme dans tout le reste de la France, le protestantisme s’était concentré presque exclusivement dans la sphère de l’aristocratie. La plus grande partie de la noblesse normande devint huguenote, mais presque tout le peuple et la plupart des bourgeois restèrent catholiques. Les nouvelles doctrines ne pénétrèrent même point dans Cherbourg, qui resta calme, tandis que toute la province était livrée, pendant une longue suite d’années, à toutes les violences de la guerre civile. Le dix-septième siècle presque tout entier s’écoula sans accident. En 1686, Vauban, qui parcourait toutes les frontières pour y établir des moyens de défense, vint à Cherbourg. Il fit démolir le donjon et les épaisses murailles qui avaient si bien résisté aux Anglais ; de nouvelles fortifications, commencées d’après les plans qu’avait tracés ce grand homme, furent également rasées, on ne sait pourquoi,