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DISCOURS DE RÉCEPTION

tour sur soi-même et sans souffrir de sa propre insuffisance.

Plus qu’un autre, j’éprouve ce sentiment, messieurs ; mais je ne chercherai point à l’exprimer.

J’ai considéré qu’il y avait quelque chose de plus modeste encore que de parler modestement de soi-même, c’est de n’en point parler du tout.

J’arriverai donc sur-le-champ à l’objet de ce discours, qui est d’entretenir l’Académie de l’homme respectable que je ne me flatte point de remplacer près d’elle.

M. de Cessac était né vers le milieu du dix-huitième siècle, en 1752 ; il atteignait l’âge viril à ce moment solennel où la révolution, qui allait bientôt renouveler toutes les institutions politiques de ses contemporains, achevait de se consommer dans leurs idées.

Le tableau que présentait à cet instant la société était singulier et nouveau. D’autres siècles avaient déjà vu des esprits puissants et indociles, secouant le joug des opinions reçues et des doctrines autorisées, poursuivre isolément la vérité. Mais un pareil spectacle n’avait été donné que par quelques hommes ou à propos de quelques-unes des connaissances humaines.

Ce qui singularise le dix-huitième siècle dans l’histoire, c’est que cette curiosité audacieuse et réformatrice ait été ressentie à la fois par une génération entière, et se soit exercée, en même temps, sur l’objet de presque toutes ses croyances ; de telle sorte que, dans le même moment, les principes sur lesquels avaient reposé jusque-là les sciences, les arts, la philosophie, la politique,