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À L’ACADÉMIE FRANÇAISE

atteints ensemble par une sorte d’ébranlement universel, ont tous été remués ou détruits, et que la religion seule, se retirant au fond de certaines âmes, a pu y tenir ferme en attendant d’autres jours.

Au moment où M. de Cessac entrait dans le monde, cette notion extraordinaire, que chacun ne doit chercher la vérité qu’en soi, et est en état de l’y découvrir, s’était établie au centre de toutes les intelligences. La lutte avait cessé ; la nouvelle philosophie régnait sans partage ; on ne s’occupait plus à en discuter le principe, mais seulement à en découvrir les conséquences.

M. de Cessac entra profondément dans cet esprit de son temps.

Cependant la nature ne l’avait point préparé à devenir un novateur. Mais il était jeune alors, et il y avait dans les allures du siècle quelque chose de juvénile qui ne pouvait manquer de l’attirer par de vives sympathies.

La société était ancienne par sa durée, plus vieille encore par ses mœurs. Elle possédait presque tous les avantages et montrait la plupart des vices et des travers que l’âge donne aux nations. Mais dans ce vieux corps se montrait un esprit jeune. Quoique la monarchie française comptât déjà plus de mille années d’existence, les Français croyaient entrer dans la vie sociale pour la première fois. Pour eux l’humanité venait de prendre une face nouvelle, ou plutôt une nouvelle humanité s’offrait à leurs regards. Ils se sentaient à l’entrée d’une longue carrière qu’ils ne craignaient point de parcourir, et vers laquelle ils s’avançaient d’un pas agile et vif, fai-