Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/215

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Le criminel emprisonné peut briser ses fers. Remis en liberté, à l’expiration de sa sentence, il devient un juste sujet d’effroi pour tout ce qui l’environne. Le déporté ne reparaît que rarement sur le sol natal ; avec lui s’éloigne un germe fécond de désordre et de nouveaux crimes. Cet avantage est grand, sans doute, et il ne peut manquer de frapper les esprits chez une nation où le nombre des criminels augmente, et au milieu de laquelle s’élève déjà tout un peuple de malfaiteurs.

Le système de la déportation repose donc sur une idée vraie, très-propre par sa simplicité à descendre jusqu’aux masses, qui n’ont jamais le temps d’approfondir. On ne sait que faire des criminels au sein de la patrie ; on les exporte sous lui autre ciel.

Notre but est d’indiquer que cette mesure, si simple en apparence, est environnée, dans son exécution, de difficultés toujours très-grandes, souvent insurmontables, et qu’elle n’atteint pas même, en résultat, le but principal que se proposent ceux qui l’adoptent.

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CHAPITRE PREMIER


DIFFICULTÉS QUE PRÉSENTE LE SYSTÈME DE LA DÉPORTRATION COMME THÉORIE LÉGALE


Les premières difficultés se rencontrent dans la législation elle-même.

À quels criminels appliquer la peine de la déportation ? Sera-ce aux condamnés à vie seuls ? mais alors l’utilité de la mesure est fort restreinte. Les condamnés à vie sont toujours en petit nombre ; ils sont déjà hors d’état de nuire. À leur égard, la question politique devient une question de philanthropie, et rien de plus.