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À L’ACADÉMIE FRANÇAISE

les hommes qui, après l’avoir faite ou vu faire, lui survivent.

Il n’y a pas de révolution qui ne promette infiniment plus qu’elle ne tient, et il est rare que les plus nécessaires et les plus victorieuses ne laissent pas dans l’âme de ceux même qui les ont conduites et qui en profitent, presque autant d’amertume que de joie.

Comme on n’a point atteint tout ce qu’on a visé, il semble qu’on n’a point touché le but. On devient aisément insensible aux biens qu’on a acquis, par le souvenir de ceux qu’on a rêvés, et, comparant le résultat à l’effort, on est presque tenté de rire de soi-même.

La génération qui voit finir une grande révolution est toujours inquiète, mécontente et triste.

Arrivé au moment où le courant d’opinions qui nous a conduits où nous sommes achevait de creuser son lit et devenait irrésistible, M. de Cessac, ainsi que je l’ai déjà dit, ne chercha pas à lutter contre son cours : il le suivit. Il coopéra avec ardeur et avec succès à la composition de l’Encyclopédie. Il fit dans ce vaste recueil d’excellents articles, qui tous ont trait à l’état militaire, qui était sa profession.

Cependant l’ancien régime continuait à s’affaisser au milieu de ses inégalités abusives, de ses erreurs et de ses vices. Déjà, pour beaucoup d’esprits, il ne s’agissait plus de le corriger, mais de le détruire. La nouvelle philosophie tournait peu à peu en révolution. Cela arrive toujours, et cela surprend toujours. Quoiqu’il n’y ait rien de plus clairement établi dans la législation de Dieu