Dans plusieurs des pays où les Européens ont introduit la servitude, les maîtres se sont toujours opposés, soit ouvertement, soit en secret, à ce que la parole de l’Évangile parvînt jusqu’à l’oreille des nègres.
Le christianisme est une religion d’hommes libres ; et ils craignent qu’en la développant dans l’âme de leurs esclaves, on ne vienne à y réveiller quelques-uns des instincts de la liberté.
Lorsqu’il leur est arrivé, au contraire, d’appeler le prêtre au secours de l’ordre et de l’introduire eux-mêmes dans leurs ateliers, le prêtre a eu peu d’empire, parce qu’il n’apparaissait aux yeux de l’esclave que comme le substitut du maître et le sanctificateur de l’esclavage. Dans le premier cas, les nègres n’ont pas pu, dans le second, ils ne veulent pas s’instruire.
Comment, d’ailleurs, parvenir à élever et à épurer la volonté de celui qui ne sent pas la responsabilité de ses propres actes ? Comment donner l’idée de la dignité morale à qui n’est rien à ses propres yeux ? Il sera toujours bien difficile, quoi qu’on fasse, d’éclairer et de spiritualiser la religion d’un esclave dont des travaux grossiers et incessants remplissent la vie, et qui est naturellement et invinciblement plongé dans l’ignorance par le fait même de sa condition. On ne purifie point les mœurs d’un homme qui ne peut jamais connaître les principaux attraits de l’union conjugale, et qui ne saurait voir dans le mariage qu’un esclavage particulier au sein de la servitude. Si on y regarde avec soin, l’on se convaincra que, dans la plupart des pays à esclaves, le nègre est entièrement indifférent aux vérités religieuses, ou bien qu’il fait du christianisme une superstition ardente et grossière.
Il semble donc qu’il serait peu raisonnable de croire qu’on parvienne à détruire dans la servitude les vices que naturellement et nécessairement la servitude fait naître. La chose est sans exemple dans le monde ; l’expérience seule de la liberté, la liberté longtemps contenue et dirigée par un pouvoir énergique et modéré, peuvent suggérer et donner à l’homme les opinions, les vertus et les habitudes qui conviennent au citoyen d’un pays libre. L’époque qui suit l’abolition de la servitude a donc toujours été un temps de malaise et d’effort social. C’est là un mal inévitable : il faut se résoudre à le supporter, ou éterniser l’esclavage.
Votre Commission, messieurs, a pensé que tous les moyens qu’on