Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/263

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même opiniâtrement, aux tentatives que fit la mère-patrie pour les amener à prendre des mesures préparatoires. Dans plusieurs d’entre elles, principalement à la Jamaïque, une grande gêne régnait depuis longtemps dans la plupart des fortunes particulières.

C’est dans ces circonstances qu’en 1833 intervint le bill d’émancipation.

Personne n’ignore que les colonies anglaises ne sont pas toutes soumises au même régime.

Les plus anciennes, comme la Jamaïque, forment presque des États indépendants ; elles ont des assemblées politiques, qui s’attribuent le droit exclusif de faire des lois, et qui prétendent ne point relever du Parlement anglais, mais seulement du roi d’Angleterre. Les plus récentes, telles que la Guyane, n’ont point de corps représentatif proprement dit, et le pouvoir royal les administre à peu près sans conirôle.

Il était nécessaire de rappeler ces faits pour bien comprendre ce qui va suivre.

Le bill déclarait qu’à partir du 1er août 1854 la servitude serait abolie dans toutes les colonies anglaises[1] ; l’esclave échappait alors pour toujours à l’arbitraire du maître, pour n’être plus soumis qu’à l’action de la loi.

Cependant le législateur ne lui accordait pas immédiatement tous les droits de l’homme libre.

Les esclaves âgés de plus de six ans au 1er août 1834 étaient forcés de demeurer, pendant un certain nombre d’années, près de leurs anciens maîtres, et de les servir comme apprentis. Le terme de l’apprentissage fut fixé au 1er août 1838 pour les esclaves attachés à la personne, et, pour ceux en bien plus grand nombre qui étaient occupés à la culture de la terre, au 1er août 1840[2].

  1. Excepté à l’île de France, où elle devait durer six mois de plus, et au cap de Bonne-Espérance, où l’époque de l’abolition était retardée de quatre mois.
  2. La raison de cette différence est celle-ci : le législateur n’avait imposé que certaines heures de travail au nègre cultivateur, tandis qu’il avait été obligé de laisser constamment le nègre domestique à la disposition du maître. Il paraissait donc juste que l’apprentissage du second finit plus fût que celui du premier.