Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/274

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que lui semblent présenter en ce moment les colonies anglaises[1].

Dans les colonies où la population est considérable relativement au territoire, comme aux Barbades, à Antigue, à Saint-Christophe, les nègres, n’ayant d’autre ressource que le travail, travaillent bien et à un prix peu élevé.

Dans les colonies qui n’ont point cet avantage, mais où la terre est très-fertile et son exploitation facile, comme à la Guyane et à la Trinité, les nègres ont demandé des salaires exagérés, et souvent n’ont pas mis de continuité dans leurs travaux ; cependant les propriétaires continuent à pouvoir cultiver le sol avec profit.

Mais à la Jamaïque, où la culture de la canne est naturellement coûteuse, à cause de l’épuisement des terres ou de la difficulté qu’on éprouve à transporter leurs produits au marcbé, où les nègres peuvent facilement vivre sans travailler pour les blancs ; à la Jamaique ou dans les îles placées dans des circonstances analogues, les noirs travaillent moins bien et beaucoup moins constamment depuis que l’esclavage a cessé qu’avant cette époque, et l’avenir de la production du sucre est compromis.

Cette situation fâcheuse paraît tenir à plusieurs causes qui auraient pu être évitées. Il faut l’attribuer d’abord aux mauvais rapports qui se sont établis, durant l’apprentissage, entre les maîtres et les affranchis, dans la plupart des colonies. La défiance et la haine qui ont pris naissance alors rendent très-difficile anjourd’hui la fixation équitable des salaires. Il est évident que presque toujours le colon veut faire travailler le nègre à trop bas prix, et que celui-ci demande un prix beaucoup trop haut. Comme ces deux hommes ne sont pas seulement opposés d’intérêts, mais secrètement ennemis, il est presque impossible qu’ils arrivent jamais à bien s’entendre.

On peut expliquer également le peu de penchant que montrent les noirs dans quelques colonies pour travailler d’une manière con-

    en 1858. Mais il est difficile de tirer une conclusion de ces chiffres, la canne récoltée en 1838 ayant été plantée et cultivée lorsque l’apprentissage existait encore.

  1. Il serait d’une très-grande importance pour la France d’obtenir des notions plus précises qu’on ne les possède sur l’état réel des colonies anglaises où l’esclavage a été aboli. La Commission a appris avec une grande satisfaction, de MM. les ministres, que l’intention du gouvernement était d’envoyer prendre sur les lieux des renseignements exacts.