tinue au service des grands propriétaires du sol, par cette circonstance qu’ils sont eux-mêmes de petits propriétaires.
Presque tous les anciens affranchis des colonies anglaises ont conservé la jouissance gratuite de la cabane qu’ils habitaient pendant l’esclavage et du jardin dont ils avaient alors l’usage. Ce champ, que chacun d’eux possède, occupe une partie de son temps, et suffit à presque tous ses besoins. Le nègre préfère, en le cultivant, travailler pour lui-même, que d’aller servir chez autrui. Cela est d’autant plus facile à comprendre, que quelque chose d’analogue se fait voir dans les pays de l’Europe où la terre est très-partagée. Le petit propriétaire, occupé sur son propre fonds, ne consent qu’avec peine à louer ses services au riche fermier son voisin. C’est ainsi que, dans plusieurs de nos provinces, le nombre des ouvriers devient chaque jour plus restreint et leur assistance plus précaire.
Si l’on jugeait qu’il était nécessaire à l’exploitation des denrées coloniales et à la permanence de la race blanche dans les Antilles que le nègre affranchi louât ses services d’une manière permanente aux grands propriétaires du sol, il est évident qu’il ne fallait pas lui créer un domaine où il pût vivre avec aisance en ne travaillant que pour lui.
La commission manquerait à son devoir si, après avoir fait connaître, avec quelques détails, à la chambre, de quelle manière le gouvernement anglais a conduit l’émancipation, et quel a été, jusqu’à présent, le résultat de son entreprise, elle ne cherchait à tirer de ces faits les lumières qui pourraient nous guider nous-mêmes.
On a vu que le Parlement britannique avait voulu que le montant intégral de l’indemnité fût versé dans les mains des planteurs le jour où les colonies auraient acquiescé au principe de l’émancipation, et avant que l’émancipation ne fût accomplie.
Cette dernière disposition de la loi a été plusieurs fois critiquée en Angleterre. On a dit qu’il eût été plus prudent et plus sage de retenir pendant un certain temps, dans les mains de l’État, une portion du capital accordé, et qu’en le distribuant d’avance aux colons, la métropole s’était ôtée, dès l’abord, un puissant moyen de tenir ceux-ci dans sa dépendance et de s’assurer leur concours.
Il est permis de croire qu’il en est ainsi, si l’on considère qu’à partir de l’époque où l’indemnité a été soldée, une lutte sourde, mais incessante, s’est établie entre toutes les colonies où il existait