Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/280

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sures qui doivent répandre l’instruction parmi eux, y régler les mœurs, y favoriser efficacement le mariage. Ces mesures, émanant de l’État et non de l’ancien maître, ne feraient pas naître entre les deux races ces sentiments de défiance et de haine dont on a vu les funestes effets dans les colonies britanniques ; imposées au blanc comme condition du travail, au noir comme prix de l’indépendance, elles seraient facilement admises et exactement exécutées.

La commission a également approuvé l’idée du salaire.

Le salaire est une juste indemnité des sacrifices de l’État.

Il est utile au noir, car, indépendamment de l’aisance qu’il lui donne, il lui fait sentir les avantages du travail, il réhabilite le travail à ses yeux. L’absence du salaire est le cachet de l’esclavage. Le salaire, enfin, a cet avantage qu’il ôte tout prétexte aux défiances injustes que les colons ont quelquefois entretenues contre le gouvernement de la métropole.

Par le salaire, l’intérêt pécuniaire de l’État est visiblement lié au maintien d’un travail productif dans les colonies, et le salaire forme, par conséquent, aux yeux de ces colonies, la plus puissante garantie des efforts que fera la métropole pour maintenir le travail.

La commission, messieurs, est donc convaincue qu’un système d’apprentissage fondé sur les bases qu’on vient d’indiquer, pourrait concilier tout à la fois les droits du Trésor et les intérêts des colons. Elle y a vu surtout la plus heureuse combinaison qui se put adopter en faveur des noirs, de cette race opprimée et dégradée par l’esclavage, qu’il est de l’honneur et du devoir de la France de régler, d’éclairer et de moraliser, aussi bien que d’affranchir.

Sur tous les points principaux qui viennent d’être successivement exposés aux yeux de la Chambre, la commission a été unanime ; elle ne s’est divisée que sur la forme qu’il convenait de donner à ses opinions.

Plusieurs membres pensaient que la commission, après avoir écarté le projet de loi présenté par l’honorable M. de Tracy, devait se borner à exprimer son propre sentiment, quant à ce qu’il convenait de mettre à la place, mais sans chercher à attirer le gouvernement et les chambres dans une autre voie.

La majorité n’a point été de cet avis : elle a pensé que la discussion et l’examen auxquels la commission s’était livrée avait amené k découverte ou fourni la preuve de plusieurs vérités importantes.