Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/281

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qu’il convenait de revêtir, dès à présent, des formes de la loi.

La nécessité de faire une émancipation simultanée, la nécessité de i’indemnité, de l’apprentissage et du règlement de travail, ont paru tellement démontrées à la commission, qu’elle n’a pas hésité à faire, dès aujourd’hui, de ces mesures, les hases de la loi future.

La majorité a été surtout vivement et profondément frappée des dangers que faisait courir l’état actuel, et du péril auquel on s’exposait en remettant à un autre temps pour prendre un parti.

Dans cette situation, elle a cru qu’elle serait infidèle à son devoir si, dès à présent, elle ne proposait pas à la chambre de fixer, non point le terme de l’esclavage, mais le moment où l’on s’occuperait définitivement de le fixer. Elle a pensé que l’époque la mieux choisie et la plus naturellement indiquée était la session de 1841. Elle vous propose donc de déclarer que, dans la session de 1841, il sera proposé un projet de loi qui fixera l’époque de l’abolition de l’esclavage.

Cette rédaction, il est nécessaire de le dire à la Chambre, n’a point été admise de l’avis unanime des memhres dont la commission se compose.

Un membre a fait observer qu’il ne reconnaissait ni à la commission ni à la Chambre le droit d’imposer au gouvernement l’obligation de présenter un projet de loi ; qu’une semblable manière de procéder intervertissait l’ordre naturel des pouvoirs constitutionnels et portait atteinte à leur indépendance.

Ces raisons, quelque puissantes qu’elles puissent paraître, n’ont pas semblé suffisantes à la majorité de votre commission.

La majorité a d’abord fait observer que la rédaction attaquée n’était point nouvelle ; qu’on en trouvait la trace dans plusieurs lois antérieures rendues depuis le commencement du régime représentatif en France ; que notamment les lois de finances en offraient de fréquents exemples.

Elle a fait observer de plus que ceux de MM. les ministres qui se sont rendus dans le sein de la commission avaient paru désirer eux-mêmes, dans l’intérêt de la mesure, que l’époque où la prochaine loi d’émancipation serait présentée et les principales dispositions qu’elle devait contenir fussent dès à présent arrêtées ; qu’ainsi l’apparence même de la violence faite au pouvoir exécutif disparaissait, et qu’il ne fallait voir, au contraire, dans ce que proposait la com-