société entière pût désormais être gouvernée au profit exclusif de certains individus. Elle nous garantissait ainsi à jamais de la pire de toutes 1rs tyrannies, celle d’une classe ; mais elle devait rendre en même temps notre liberté plus difficile.
Chez les peuples libres, on ne gouverne que par les partis, ou plutôt le gouvernement, c’est un parti qui a le pouvoir. Le gouvernement y est donc d’autant plus puissant, persévérant, prévoyant et fort, qu’il existe dans le sein du peuple des partis plus compactes et plus permanents.
Or, des partis semblables ne se forment et ne se maintiennent facilement que dans les pays où il existe, entre les intérêts des citoyens, des dissemblances et des oppositions assez visibles et assez durables pour que les esprits se trouvent amenés et fixés d’eux-mêmes dans des opinions contraires.
Quand les citoyens sont à peu près pareils, il est malaisé de réunir un grand nombre d’entre eux dans une même politique, et de l’y tenir.
Les besoins du moment, la fantaisie des esprits, les moindres intérêts particuliers peuvent y créer à chaque instant de petites factions éphémères, dont la mobilité capricieuse et stérile finit par dégoûter les hommes de leur propre indépendance, et la liberté est menacée de périr, non parce qu’un parti abuse tyranniquement du gouvernement, mais parce qu’aucun parti ne se trouve en état de gouverner.
Après que la vieille hiérarchie sociale eut été détruite,