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Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/376

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régime d’emprisonnement, diminuer d’un cinquième la durée d’une peine perpétuelle ? Les condamnés à perpétuité, que l’administration renfermera dans les maisons cellulaires, seront donc traités autrement et plus durement que ceux qui resteraient dans les prisons actuelles ? Ici, il faut bien le reconnaître, la loi est impuissante, il n’y a plus de remède que dans l’intelligence et le zèle de l’administration.

Ces raisons n’ont pas convaincu la majorité de votre Commission. Elle a pensé que, parce qu’il était impossible de faire disparaître entièrement un mal, ce n’était pas une raison pour renoncer au moyen qui s’offrait de le réduire.

Si le danger de l’inégalité des peines est grand quand il s’agit d’une classe de condamnés, on doit avouer qu’il est bien plus grand encore, quand on opère sur l’ensemble de ces mêmes condamnés. Si l’arbitraire renfermé dans de certaines limites fait peur, il semble qu’on le doive redouter bien plus encore quand il n’a pas de limites.

Sans doute, il y a certaines peines d’emprisonnement dont il pourrait être dangereux de diminuer du cinquième la durée. Mais en fait, où est le péril, puisque le gouvernement conserve le pouvoir de ne renfermer dans les maisons cellulaires que ceux qu’il désigne ?

Sans doute, il n’est pas pratiquement démontré, et il ne pourra jamais l’être, que quatre ans d’une prison cellulaire équivalent précisément à cinq ans des prisons actuelles. Mais parce qu’on ne peut atteindre cet équilibre rigoureux, s’ensuit il qu’il faut renoncer à s’en approcher ? Parce qu’on n’est pas sur de diminuer la peine dans la proportion exacte, faut-il courir la chance qu’elle ne soit point du tout diminuée ?

Quand on raisonne sur cette matière, il ne faut, d’ailleurs, jamais perdre de vue cette vérité, qu’ici il y a un mal auquel on ne saurait entièrement se soustraire.

Entre le moment où un nouveau système d’emprisonnement commence à être mis en vigueur dans un grand pays comme le nôtre, et celui où on peut l'appliquer d’une manière universelle à tout le monde à la fois, il se passe toujours un certain temps durant lequel, quoi qu’on fasse, on verra apparaître quelques inégalités dans les peines, et une part quelconque d’arbitraire dans la