Voilà l’étendue réelle du mal.
On ne saurait admettre, d’ailleurs, que l’emprisonnement individuel soit inefficace, parce qu’il n’a pas duré jusqu’à la fin de la peine. Croit-on qu’un homme, séparé du monde pendant douze ans, dont l’âme a été durant ce temps soumise à ce travail intérieur et puissant qui se fait dans la solitude, apporte dans la vie commune le même esprit qu’il y aurait apporté douze ans plus tôt ? Il est bien improbable que, parmi le très-petit nombre de criminels avec lesquels il va se retrouver en contact, il rencontre quelques-uns de ses anciens amis de débauche ou de crime. Il est plus improbable encore qu’à sa sortie de la prison il se retrouve jamais avec quelques-uns de ceux qu’il y a vus. Le nombre des détenus qui, après avoir passé douze ans dans la solitude, seront réunis par un travail commun, ce nombre sera dans chaque prison très petit, et il est difficile à croire que plusieurs d’entre eux soient jamais mis en liberté en même temps.
Les dangers qu’on redoute sont donc bien plus imaginaires que réels ; cependant ils existent dans une certaine mesure. Il serait plus conforme à la logique de ne mêler dans aucun cas les deux systèmes. Mais la Commission a pensé avec le gouvernement, qu’après tout il valait encore mieux manquer à la logique que de s’exposer à manquer à l’humanité.
Le meilleur moyen d’éviter les embarras qui naissent de l’application du régime cellulaire aux individus condamnés à des peines perpétuelles ou à des peines temporaires de longue durée, ne serait-il pas de combiner le système pénitentiaire et le système de la déportation ? Un membre a ouvert cet avis. Après avoir tenu, pendant douze ans, le criminel dans sa cellule, a-t-il dit, on le rendrait à la vie commune, mais on le transporterait hors du territoire continental de la France. Le système de la déportation appliqué d’une manière générale a donné lieu à des reproches très-graves et très-mérités. L’expérience a fait voir que ce système n’est pas assez répressif et qu’il est excessivement onéreux. Mais quand la déportation est précédée d’un long et sévère emprisonnement, et qu’elle ne s’applique qu’à un très-petit nombre de grands criminels, presque tous les inconvénients qu’on lui trouve disparaissent ou deviennent peu sensibles, et elle conserve son principal avantage qui est de délivrer radicalement le pays d’ un dangereux élément