que les agents manquent, et on a raison. Les agents d’exécution manquent, en effet, dans beaucoup de services. Ce qui abonde, ce sont les commis[1].
Les bons agents d’exécution manquent plus encore. Les hommes les plus habiles de chaque service ne sont pas employés sur les lieux ; on les attire et on les retient dans les bureaux des directeurs : au lieu de conduire les affaires, ils les résument.
Comme, au milieu de ces pouvoirs discordants et jaloux, aucun plan d’ensemble pour les dépenses ne peut être ni conçu, ni mûri, ni arrêté, ni suivi, et que chacun d’eux pousse isolément à des travaux qui doivent accroître son importance, l’argent est souvent dépensé sans nécessité ou sans prévoyance. En administration, la prévoyance ne peut être que le fait d’un seul ; une administration complexe et confuse doit demander beaucoup de crédits, et souvent dépasser ceux qu’on lui accorde. C’est ce qui est arrivé, notamment l’année dernière, ainsi que la Chambre a pu s’en convaincre lors de la discussion qui a eu lieu récemment devant elle.
Que si, cessant de rechercher ce que coûte l’administration en Afrique, nous voulons considérer ce qu’elle fait, nous apercevons un spectacle plus regrettable encore.
Ce qui frappe d’abord en la voyant à l’œuvre, c’est de n’apercevoir dans son sein aucune pensée centrale et puissante qui dirige vers un but commun, et retient dans leurs limites naturelles toutes les parties qui la composent. Chacune de celles-ci forme au contraire comme un monde à part, dans lequel l’esprit spécial se développe en liberté et règne sans contrôle.
Prenons un exemple : on s’est plaint souvent des tendances fiscales que montrent en Afrique les services financiers. L’administration des finances s’est en effet beaucoup plus préoccupée jusqu’ici d’obtenir des revenus de l’Algérie, que d’y fixer des habitants ; elle a cherché à vendre régulièrement et cher le domaine de l’État, plutôt qu’à en tirer pour la colonisation un parti utile. Cela est vrai. Mais on a tort de reprocher aux agents financiers de se livrer à cette tendance qui, chez eux, est naturelle et même légitime ; il
- ↑ C’est ainsi que, pendant que la direction des finances renfermait dans ses bureaux cinquante-cinq employés, on ne pouvait, faute de personnel, rechercher ni constater le domaine de l'État, et qu’aujourd’hui encore on ne marche souvent en cette matière qu’au milieu des ténèbres.