Le pays est occupé, il est vrai, mais il n’est ni rempli, ni même, à vrai dire, possédé. La population indigène y est très-rare et très-clairsemée. On peut donc introduire la population conquérante sur le sol, sans gêner la population vaincue.
Étudiez l’histoire du pays, considérez les usages et les lois qui le régissent, et vous verrez que nulle part il ne s’est rencontré des facilités plus grandes et plus singulières pour mener paisiblement et à bien une telle entreprise. Nous ne ferons que les rappeler très-sommairement à la Chambre.
On a remarqué que, partout où, depuis longtemps, la société est instable et le pouvoir tyrannique, les propriétés particulières de l’État sont très-nombreuses et très-vastes. C’est le fait qui se manifeste en Algérie. Le domaine public y a des proportions immenses, et les terres qu’il possède sont les meilleures du pays. Nous pouvons distribuer ces terres aux cultivateurs européens sans blesser le droit de personne.
Une partie des terres des tribus peut recevoir une destination analogue.
Ce n’est ni le temps, ni le lieu d’exposer et de discuter devant la Chambre les règles sur lesquelles repose le droit de propriété en Afrique. Ces questions sont très-obscures en elles-mêmes, et l’on est encore parvenu à les obscurcir et à les embrouiller beaucoup, en voulant leur imposer une solution unique et commune que la diversité des faits repousse. Nous nous bornerons donc à établir comme vérités générales et incontestables, que, dans beaucoup d’endroits, la propriété individuelle et patrimoniale n’existe pas ; que, dans beaucoup d’autres, la propriété commune des tribus n’est appuyée elle-même sur aucun titre, et qu’elle réside de la tolérance du gouvernement plutôt que d’un droit.
Ce sont là, messieurs, des circonstances rares et particulières qui rendent assurément notre œuvre plus aisée que celle de la plupart des conquérants.
La Chambre comprendra d’abord sans peine qu’il est plus facile d’introduire une population nouvelle sur un territoire qui n’est possédé qu’en commun, que sur un sol où chaque pouce de terre est défendu par un droit et un intérêt particulier. On peut également comprendre que dans une contrée où la propriété est assez rare pour que la plupart des particuliers et une partie des tribus