Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/521

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prises se ressemblent par leurs caractères fondamentaux, et qui repousse l’une blâme l’antre.

Dans les villages militaires, dit-on, le colon aura originairement été mieux choisi que dans le village civil. Soit. Admettons qu’il soit plus vigoureux, plus intelligent, plus moral ; mais, d’une autre part, il sera dans des conditions économiques moins bonnes ; il n’aura pas amené avec lui de famille, il sera placé plus loin des grands centres de colonisation qui existent déjà en Afrique, des grands marchés où le produit se vend cher, des populations agglomérées, où l’on peut se procurer la main d’œuvre à bon marché. Son établissement imposera à l’Etat une charge beaucoup plus grande, et, de plus, une charge dont on ne voit pas la limite. La charge sera plus grande, car au colon civil on n’a accordé que des secours, tandis qu’ici l’État pourvoit à tout. La charge sera moins limitée. Quand on a attiré une famille sur un sol nouveau, par l’attrait d’une subvention, il est bien difficile de cesser de lui venir en aide tant que ses besoins durent. Vous avez soutenu un homme jusqu’au milieu de la carrière, pourquoi ne pas le porter jusqu’au bout ? Quelle raison décisive de s’arrêter dans cette voie plutôt un jour que l’autre ? L’État vient encore aujourd’hui au secours des villages le plus anciennement fondés des environs d’Alger. S’il est difficile d’abandonner à lui-même un colon civil, qui n’a jamais rendu de service an pays, combien le sera-t-il davantage de délaisser un ancien soldat, que le gouvernement a empêché de retourner dans ses foyers pour le fixer sur le sol de l’Afrique ? Peut-on jamais abandonner à son sort et laisser languir ou mourir dans lu misère un pareil homme !

Il ne s’agit, dit-on, que d’un essai. Mais avant de s’exposer à faire un essai, faut-il encore qu’on voie à cet essai des chances de réussite ! Essayer ce qu’on croit bon, cela se comprend ; mais essayer ce qu’on croit mauvais, c’est montrer un grand mépris pour l’argent, le Trésor, et pour les citoyens qu’on engage dans l’entreprise.

Il n’est pas exact, d’ailleurs, de dire qu’un essai n’ait point déjà eu lieu.

Il existe, depuis plusieurs années, aux environs d’Alger, trois villages qui ont, en partie, une origine militaire : c’est Fouca, Mahelma et Beni-Mered. Le premier a été peuplé avec des soldats