tout à l’heure ; mais j’ai une trop haute idée du rôle que le pouvoir joue dans ce monde pour ne pas être convaincu que, lorsqu’il se produit un très-grand mal dans la société, un grand mal politique, un grand mal moral, le pouvoir n’y soit pas pour beaucoup.
Qu’a donc fait le pouvoir pour produire le mal que je viens de vous décrire ? Qu’a fait le pouvoir pour amener cette perturbation profonde dans les mœurs publiques, et ensuite dans les mœurs privées ? Comment y a-t-il contribué ?
Je crois, messieurs, qu’on peut, sans blesser personne, dire que le gouvernement a ressaisi, dans ces dernières années surtout, des droits plus grands, une influence plus grande, des prérogatives plus considérables, plus multiples que celles qu’il avait possédées à aucune autre époque. Il est devenu infiniment plus grand que n’auraient jamais pu se l’imaginer, non-seulement ceux qui l’ont donné, mais même ceux qui l’ont reçu en 1830. On peut affirmer, d’une autre part, que le principe de la liberté a reçu moins de développement que personne ne s’y serait attendu alors. Je ne juge pas l’événement, je cherche la conséquence. Si un résultat si singulier, si inattendu, un retour si bizarre des choses humaines, a déjoué de mauvaises passions, de coupables espérances, croyez-vous qu’à sa vue beaucoup de nobles sentiments, d’espérances désintéressées, n’aient pas été atteints ; qu’il ne s’en soit pas suivi pour beaucoup de cœurs honnêtes une sorte de désillusionnement de la politique, un affaissement réel des âmes ?
Mais c’est surtout la manière dont ce résultat s’est produit, la manière détournée, et jusqu’à un certain point subreptice, dont ce résultat a été obtenu, qui a porté à la moralité publique un coup funeste. C’est en ressaisissant de vieux pouvoirs qu’on croyait avoir abolis en Juillet, en faisant revivre d’anciens droits qui semblaient annulés, en remettant en vigueur d’anciennes lois qu’on jugeait abrogées, en appliquant les lois nouvelles dans un autre sens que celui dans