Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/548

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médité de ne faire vibrer chez les hommes que la seule corde de l’intérêt privé que les ministres ont commis ce grand mal : je sais bien qu’ils ont été entraînés sur une pente rapide sur laquelle il était bien difficile de se tenir ; je sais cela ; aussi la seule chose que je leur reproche, c’est de s’y être placés, c’est de s’être mis dans un point de vue où, pour gouverner, ils avaient besoin, non pas de parler à des opinions, à des sentiments, à des idées générales, mais à des intérêts particuliers. Une fois entrés dans cette voie, je tiens pour certain que, quelle qu’eût été leur volonté, leur désir de retourner en arrière, une puissance fatale les poussait et a dû les pousser successivement en avant, partout où ils ont été depuis. Pour cela, il ne leur fallait qu’une chose : vivre. Du moment où ils s’étaient mis dans la position où je les plaçais tout à l’heure, il leur suffisait d’exister huit ans pour faire tout ce que nous avons vu qu’ils ont fait, non-seulement pour user de tous les mauvais moyens de gouvernement dont je parlais tout à l’heure, mais pour les épuiser.

C’est cette fatalité qui d’abord leur a fait augmenter outre mesure les places ; qui ensuite, lorsqu’elles sont venues à manquer, les a portes à les diviser, à les fractionner, pour ainsi dire, afin d’avoir à en donner un plus grand nombre, sinon les places, du moins les traitements, comme cela a été fait pour tous les offices de finances. C’est cette même nécessité qui, lorsque, malgré cette industrie, les places sont enfin venues à manquer, les a portés, comme nous l’avons vu l’autre jour dans l’affaire Petit, à faire vaquer artificiellement, et par des moyens détournés, les places qui étaient déjà remplies.

M. le ministre des affaires étrangères nous a dit bien des fois que l’opposition était injuste dans ses attaques, qu’elle lui faisait des reproches violents, mal fondés, faux. Mais, je le lui demande à lui-même, l’opposition l’a-t-elle jamais accusé, dans ses plus mauvais moments, de ce qui est prouvé