Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/568

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peut servir qu’à une seule chose, à faire naître plusieurs révolutions qui la suivent, (Approbation.)

Je veux donc que la révolution de Février ait un sens, un sens clair, précis, perceptible, qui éclate au dehors, que tous puissent voir.

Et quel est ce sens ? je l’indique en deux mots : La révolution de Février doit être la continuation véritable, l’exécution réelle et sincère de ce que la révolution française a voulu ; elle doit être la mise en œuvre de ce qui n’avait été que pensé par nos pères. (Vif assentiment.)

Le citoyen Ledru-Rollin. Je demande la parole.

Le citoyen de Tocqueville. Voilà ce que la révolution de Février doit être, ni plus, ni moins. La révolution française avait voulu qu’il n’y eut plus de classes, non pas dans la société, elle n’avait jamais eu l’idée de diviser les citoyens, comme vous le faites, en propriétaires et en prolétaires. Vous ne retrouverez ces mots chargés de haines et de guerres dans aucun des grands documents de la révolution française. La révolution a voulu que, politiquement, il n’y eut pas de classes ; la restauration, la royauté de Juillet ont voulu le contraire. Nous devons vouloir ce qu’ont voulu nos pères.

La Révolution avait voulu que les charges publiques fussent égales, réellement égales pour tous les citoyens : elle y a échoué. Les charges publiques sont restées, dans certaines parties, inégales : nous devons faire qu’elles soient égales ; sur ce point encore, nous devons vouloir ce qu’ont voulu nos pères et exécuter ce qu’ils n’ont pas pu. (Très-bien !)

La révolution française, je vous l’ai déjà dit, n’a pas eu la prétention ridicule de créer un pouvoir social qui fît directement par lui-même la fortune, le bien-être, l’aisance de chaque citoyen, qui substituât la sagesse très-contestable des gouvernements à la sagesse pratique et intéressée des gouvernés ; elle a cru que c’était assez remplir sa tâche, que de donner à chaque citoyen des lumières et de la liberté. (Très-bien !)