Page:Tocqueville - Œuvres complètes, édition 1866, volume 9.djvu/569

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Elle a eu cette ferme, cette noble, cette orgueilleuse croyance que vous semblez ne pas avoir, qu’il suffit à l’homme courageux et honnête d’avoir ces deux choses, des lumières et de la liberté, pour n’avoir rien de plus à demander à ceux qui le gouvernent.

La Révolution a voulu cela ; elle n’a eu ni le temps, ni les moyens de le faire. Nous devons le vouloir et le faire.

Enfin, la révolution française a eu le désir, et c’est ce désir qui l’a rendue non-seulement sacrée, mais sainte aux yeux des peuples, elle a eu le désir d’introduire la charité dans la politique ; elle a conçu des devoirs de l’Etat envers les pauvres, envers les citoyens qui souffrent, une idée plus étendue, plus générale, plus haute qu’on ne l’avait eue avant elle. C’est cette idée que nous devons reprendre, non pas, je le répète, en mettant la prévoyance et la sagesse de l’État à la place de la prévoyance et de la sagesse individuelles, mais en venant réellement, efficacement, par les moyens dont l’État dispose, au secours de tous ceux qui souffrent, au secours de tous ceux qui, après avoir épuisé toutes leurs ressources, seraient réduits à la misère si l’État ne leur tendait pas la main.

Voilà ce que la révolution française a voulu faire ; voilà ce que nous devons faire nous-mêmes.

Y a-t-il là du socialisme ?

A gauche. Oui ! oui ! Il n’y a que cela.

Le citoyen de Tocqueville. Non ! non !

Non, il n’y a pas de socialisme, il y a de la charité chrétienne appliquée à la politique ; il n’y a rien là… (Interruption.)

Le citoyen président. Vous ne vous entendez pas ; c’est clair comme le jour ; vous n’avez pas la même opinion ; vous monterez à la tribune ; mais n’interrompez pas.

Le citoyen de Tocqueville. Il n’y a rien là qui donne aux travailleurs un droit sur l’État ; il n’y a rien là qui force l’État à se mettre à la place de la prévoyance individuelle.