Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/115

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barré. Dès qu’il fut dehors, tous les officiers éclatèrent d’un rire sonore et Maria Henrikovna rougit jusqu’aux larmes, ce qui la rendit encore plus attrayante aux yeux de tous les officiers.

Quand le docteur rentra, il dit à sa femme (qui déjà cessait de sourire joyeusement et le regardait avec crainte, attendant son arrêt), que la pluie était passée et qu’il fallait aller coucher dans la voiture, qu’autrement on dévaliserait tout.

— Mais j’enverrai un brosseur… deux…, dit Rostov au docteur.

— Je ferai moi-même sentinelle, dit Iline.

— Non, messieurs, vous avez dormi et moi, de deux nuits, je n’ai pas fermé l’œil, répondit le docteur. Et l’air sombre, il s’assit près de sa femme en attendant la fin de la partie.

En voyant le visage sombre du docteur qui regardait sa femme de côté, les officiers devinrent encore plus gais et quelques-uns ne purent retenir leur rire auquel ils tâchaient de trouver un prétexte convenable. Quand le docteur partit avec sa femme et s’installa avec elle en voiture, les officiers se couchèrent dans l’auberge, se couvrant de leurs manteaux mouillés. Mais de longtemps ils ne dormirent pas : tantôt ils causaient entre eux, tantôt ils se rappelaient la gravité du docteur et la gaîté de sa femme, tantôt, courant au perron, ils se racontaient ce qui se passait dans la voiture. Plusieurs fois Rostov s’enveloppa la tête pour s’endormir,