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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/145

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père, sa mère, Sonia et comprit pour la première fois sa faute envers eux et sentit toute la force de son amour pour eux. Quand on pria pour ceux qui nous haïssent, elle s’inventa des ennemis afin de prier pour eux. Elle considérait comme ennemis les créanciers et tous ceux qui avaient affaire avec son père, et, chaque fois, à la pensée des ennemis et de ceux qui haïssent, elle se rappelait Anatole, qui lui avait fait tant de mal, et, bien qu’il ne fût pas celui qui hait, elle priait avec joie pour lui, comme pour son ennemi. Ce n’était qu’en priant qu’elle se sentait capable de se rappeler, avec netteté et calme, le prince André et Anatole, comme des hommes envers qui ses sentiments s’anéantissaient en comparaison du sentiment de crainte et d’adoration pour Dieu. Quand on pria pour la famille impériale et pour le Saint-Synode, elle s’inclina encore plus bas et se signa en se disant que si même elle ne comprenait pas elle ne pouvait douter et devait aimer le Saint-Synode et prier pour lui. Après avoir terminé la prière, le diacre fit le signe de la croix sur sa poitrine, sur l’étole, et prononça :

— Recommandons-nous tous, chacun de nous mutuellement, et toute notre vie, à Jésus-Christ, notre Dieu.

« Recommandons-nous nous-mêmes à Dieu ! répétait en son âme Natacha. Mon Dieu, je m’abandonne à ta volonté. Je ne veux rien, ne désire rien. Apprends-moi ce qu’il me faut faire, com-