Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/173

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Pétia ne pensait plus maintenant à remettre sa supplique : le voir seulement, et il serait heureux !

Pendant le service à la cathédrale de l’Assomption, un grand service d’action de grâces à cause de la venue de l’empereur et de la paix avec les Turcs, la foule s’éclaircit. Des marchands de kwass, de pain d’épices, de pavots, dont Pétia était particulièrement grand amateur, commencèrent à circuler et les conversations ordinaires s’établirent. Une marchande montrait un châle déchiré et racontait qu’elle l’avait payé cher ; une autre disait que maintenant toutes les étoffes de soie devenaient chères. Le chantre, le sauveur de Pétia, causait avec un fonctionnaire des officiants qui prêtaient leur concours à l’archevêque. Il répéta plusieurs fois le mot sobornié[1] que Pétia ne comprenait pas. Deux jeunes commerçants plaisantaient avec une femme de chambre qui cassait des noisettes. Toutes ces conversations, surtout les plaisanteries avec les filles, pour Pétia, à cause de son âge, méritaient une attention particulière, mais maintenant elles ne l’occupaient pas. Il était assis sur le haut du canon, toujours ému à la pensée de l’empereur et de son amour pour lui. La coïncidence de la sensation de mal et de peur, quand on l’avait bousculé, avec le sentiment d’enthousiasme, le rendait encore plus conscient de l’importance d’un tel moment.

  1. Service de messe avec plusieurs prêtres.