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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/280

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métier : depuis vingt ans qu’il gérait les affaires du prince, il s’était montré un gérant modèle. Il était au plus haut degré capable de comprendre, d’instinct, les desseins et les intentions des gens à qui il avait affaire, c’est pourquoi il était un excellent gérant. En regardant Drone il comprit aussitôt que ces réponses n’étaient pas l’expression de sa pensée mais celle de l’opinion générale des paysans de Bogoutcharovo, qui déjà s’était emparée du starosta. Mais en même temps, il savait que Drone, enrichi, haï du mir, devait hésiter entre les deux camps : celui des seigneurs et celui des paysans. Alpatitch remarqua cette hésitation dans son regard. En fronçant le sourcil il s’approcha de Drone.

— Écoute, Dronouchka, dit-il, ne me raconte pas de blagues. Son Excellence le prince André Nikolaiévitch a ordonné lui-même d’expédier tout le monde, de ne laisser personne entre les mains des ennemis, il y a à ce sujet l’ordre du tzar, et celui qui reste est un traître au tzar, tu entends ?

— J’entends, répondit Drone sans lever les yeux.

Alpatitch ne se contenta pas de cette réponse.

— Eh ! Drone, ça ira mal, fit-il en secouant la tête.

— Comme il vous plaira, dit Drone tristement.

— Eh ! Drone, cesse ! prononça Alpatitch en sortant la main du gousset et, d’un geste solennel, désignant le sol sous les pieds de Drone : Non seule-