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Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/304

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Lavrouchka sur Napoléon et riaient de ses récits, tantôt ils se mettaient à se dépasser l’un l’autre, en essayant le cheval d’Iline.

Rostov ignorait que le village où ils allaient appartînt à ce même Bolkonskï qui avait été le fiancé de sa sœur. Rostov et Iline lancèrent pour la dernière fois leurs chevaux, se rattrapèrent au tournant de Bogoutcharovo, et Rostov, dépassant Iline, s’élança le premier dans la rue du village.

— Tu m’as dépassé ! dit Iline tout rouge.

— Oui, j’arrive toujours le premier sur le champ et ici aussi, répondit Rostov en caressant de la main son cheval du Don écumant.

— Et moi, Votre Excellence, je suis sur un cheval français, dit derrière Lavrouchka, appelant sa rosse un cheval français. J’aurais pu arriver le premier, mais je n’ai pas voulu vous froisser.

Au pas ils s’approchèrent de la grange près de laquelle se tenait une grande foule de paysans. Quelques-uns levèrent leurs bonnets, d’autres, sans se découvrir, regardèrent les cavaliers. Deux paysans, vieux, hauts, le visage ridé, la barbe rare, sortaient du débit ; avec des rires, en titubant et chantant un refrain quelconque, ils s’approchèrent des officiers.

— Les gaillards ! quoi ! y a-t-il du foin ? dit en riant Rostov.

— Comme ils se ressemblent… remarqua Iline.