Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/323

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dant, restaient en son âme. Les derniers temps, il avait éprouvé tant d’autres impressions et si graves, comme l’abandon de Smolensk, son arrivée à Lissia-Gorï, la récente nouvelle de la mort de son père, que ces souvenirs ne lui étaient pas venus depuis longtemps, et que, quand ils se présentaient à lui, ils n’avaient plus l’intensité d’autrefois.

Pour Denissov aussi, la série de souvenirs que provoquait en lui le nom de Bolkonskï était le passé lointain, poétique, où lui, après le souper et le chant de Natacha, sans savoir lui-même comment, avait demandé en mariage une gamine de quinze ans. Il sourit au souvenir de ce temps et à son amour pour Natacha et, aussitôt, il passa à ce qui maintenant l’occupait exclusivement, passionnément : c’était le plan de campagne qu’il avait imaginé, étant de service aux avant-postes, pendant la retraite. Il avait présenté ce plan à Barclay de Tolly et maintenant il se proposait de le soumettre à Koutouzov. Son plan se basait sur ce fait que la ligne d’opération des Français était trop allongée et qu’avant eux ou en même temps qu’ils agiraient de front, il fallait barrer la route aux Français et attaquer leurs communications. Il commença à expliquer son plan au prince André.

— Ils ne peuvent ga’der toute cette ligne, c’est impossible, je me po’te ga’ant de la ’omp’e. Donnez-moi cinq cents hommes et je la coupe’ai, c’est sû’ ! Il n’y a qu’un système possible : la gue’re de pa’tisans.