Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/327

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communiquer à Son Altesse une affaire d’une grande importance pour le bien de la patrie. Koutouzov se mit à regarder Denissov d’un regard fatigué, et, d’un geste de dépit, appuyant ses mains sur son ventre il répéta : « Pour le bien de la patrie ? Eh bien, qu’est-ce ? Parle ! »

Denissov rougit comme une jeune fille (c’était étrange de voir rougir ce visage moustachu, vieux, couperosé). Avec hardiesse il se mit à exposer son plan de rompre la ligne d’opération ennemie entre Smolensk et Viazma.

Denissov avait vécu longtemps dans cette région et la connaissait bien. Son plan semblait indiscutablement bon, surtout grâce à la force de la conviction avec laquelle il était exposé. Koutouzov regardait ses pieds et de temps en temps jetait des regards sur la cour de l’izba voisine, comme s’il attendait de là quelque chose de désagréable. En effet, de l’izba qu’il regardait pendant que Denissov parlait, se montra un général, avec un portefeuille sous le bras.

— Quoi ! Vous êtes déjà prêt ? prononça Koutouzov au milieu de l’exposé de Denissov.

— Je suis prêt, Excellence, dit le général.

Koutouzov hocha la tête comme s’il voulait dire : « Comment un seul homme peut-il réussir à faire tout cela ! » et il continua d’écouter Denissov.

— Je donne ma pa’ole d’honneu’ d’officier de