Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/37

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Le soleil déjà levé brillait gaiement sur la verdure claire. Dès qu’ils sortirent derrière l’auberge, sur la montagne, ils virent galoper à leur rencontre un groupe de cavaliers devant lesquels allait sur un cheval noir, dont les harnais luisaient au soleil, un homme de haute taille, en chapeau à plumes, les cheveux noirs tombant jusqu’aux épaules, en manteau rouge, les longues jambes en avant, comme montent les Français. Il allait au galop à la rencontre de Balachov, et ses plumes, ses pierreries, ses galons dorés étincelaient sous le clair soleil de juin. Balachov n’était qu’à une distance de deux chevaux du cavalier qui galopait vers lui avec un visage solennel et théâtral, avec ses bracelets, son plumet, son collier, sa dorure, quand Ulner, le colonel français, murmura respectueusement : « Le roi de Naples ». En effet, c’était Murat qu’on appelait maintenant le roi de Naples. Bien qu’on ne pût comprendre pourquoi il était roi de Naples, on l’appelait ainsi, et lui-même en était convaincu, c’est pourquoi il avait l’air plus solennel et plus imposant qu’auparavant. Il était si convaincu d’être le roi de Naples que la veille de son départ de Naples, pendant qu’il se promenait avec sa femme dans les rues de cette ville, quelques Italiens criant : « Viva il re » ; lui, avec un sourire triste se tourna vers son épouse et dit : « Les malheureux ! ils ne savent pas que je les quitte demain ! »

Malgré sa conviction d’être roi de Naples et son