Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol10.djvu/495

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tête rejetée en arrière (la couleur de sa chevelure bouclée, la coupe de la tête semblaient au prince André étrangement connues). Quelques infirmiers appuyés sur sa poitrine le maintenaient. Une de ses jambes, longue, blanche, était agitée sans cesse par un tremblement convulsif. Cet homme sanglotait fiévreusement, en suffoquant. Deux médecins, en silence, — l’un était pâle et tremblait, — faisaient quelque chose à son autre jambe qui était rouge.

Quand il eut fini avec le Tatar, sur qui on jeta un manteau, le docteur à lunettes, en s’essuyant les mains, s’approcha du prince André.

Il regarda le visage du prince André et se détourna hâtivement.

— Déshabillez-le ! Pourquoi restez-vous sans rien faire ? cria-t-il sévèrement aux infirmiers.

L’image de sa première enfance se rappela au prince André quand l’infirmier, d’une main hâtive, les manches retroussées, déboutonna sa tunique et lui ôta ses habits.

Le docteur se pencha sur la blessure, la tâta, poussa un profond soupir, ensuite, il fit signe à quelqu’un. La souffrance effroyable dans l’abdomen avait fait perdre connaissance au prince André. Quand il revint à lui, les fragments du fémur brisé étaient enlevés, un morceau de chair coupé et la blessure pansée ; on lui pulvérisait de l’eau sur le visage. Dès qu’il ouvrit les yeux, le docteur