Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol11.djvu/202

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Je vous dois la vie, cela me suffit. Je suis tout à vous. Vous êtes gentilhomme ? ajouta-t-il. Pierre inclina la tête. Votre nom de baptême, s’il vous plaît ? Je ne demande pas davantage, monsieur Pierre, dites-vous… Parfait. C’est tout ce que je désire savoir.

Quand le mouton, l’omelette, le samovar, l’eau-de-vie et le vin furent apportés, Ramballe demanda à Pierre de prendre part à ce dîner et aussitôt, lui-même, en homme robuste et affamé, se mit à dévorer avidement en faisant mouvoir rapidement ses dents fortes. Et il répétait : excellent ! exquis. Son visage devint rouge et se couvrit de sueur. Pierre avait faim et avec plaisir prit part au dîner. Morel, le brosseur, apporta une casserole d’eau chaude et y mit une bouteille de vin rouge. En outre il apportait un pot de kvass pris à la cuisine. Cette boisson était déjà connue des Français qui l’appelaient limonade de cochon. Morel vanta la limonade de cochon qu’il avait trouvée à la cuisine. Mais comme le capitaine avait du vin, déniché en traversant Moscou, il laissa le kvass à Morel et prit une bouteille de Bordeaux. Il entoura la bouteille d’une serviette et versa du vin pour lui et pour Pierre. La faim satisfaite et le vin animèrent encore davantage le capitaine qui, tout le temps du dîner, ne cessait de causer.

Oui, mon cher monsieur Pierre, je vous dois une fière chandelle de m’avoir sauvé… de cet enragé…