Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol11.djvu/212

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cinq ans et, en même temps, pour une charmante jeune fille de dix-sept ans, la fille de la charmante marquise ; la lutte de générosité entre la mère et la fille, qui se termina par le sacrifice de la mère : elle proposa son amant pour époux à sa fille. Ces souvenirs, bien que lointains, émouvaient encore le capitaine. Ensuite il narra une aventure dans laquelle le mari avait joué le rôle de l’amant, et lui (l’amant) le rôle du mari. Il raconta quelques épisodes comiques de ses souvenirs d’Allemagne, où asile se dit Unterkunft, où les maris mangent de la choucroute et où les jeunes filles sont trop blondes.

Enfin le dernier épisode en Pologne — encore frais à la mémoire du capitaine — qu’il racontait avec des gestes rapides et un visage enflammé, consistait en ceci : il avait sauvé la vie à un Polonais (en général, ce trait de générosité était fréquent dans les récits du capitaine), celui-ci lui avait confié sa charmante femme, (parisienne de coeur), pendant que lui-même entrait au service des Français. Le capitaine était heureux, la charmante Polonaise voulait fuir avec lui, mais la magnanimité du capitaine l’emporta, il remit la femme à son époux en lui disant : Je vous ai sauvé la vie et je vous sauve l’honneur. À ces paroles, le capitaine se frotta les yeux et se secoua comme s’il voulait chasser la faiblesse qui le saisissait à ce touchant souvenir.