Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol11.djvu/223

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toucha la tête, comme elle le faisait quand sa fille était malade, ensuite posa ses lèvres sur son front, pour voir s’il était brûlant et elle l’embrassa.

— Tu as froid, tu trembles toute. Tu ferais bien de te coucher, dit-elle.

— Me coucher ? Oui. Bon. J’irai. J’irai tout de suite, dit Natacha.

Quand Natacha, le matin, apprit que le prince André, gravement blessé, marchait avec eux, au premier moment elle posa beaucoup de questions : Où est-il blessé ? Comment ? Est-ce dangereux ? Peut-on le voir ? Mais quand on lui eut dit qu’elle ne pouvait pas le voir, qu’il était gravement blessé sans être en danger de mort, sans croire ce qu’on lui disait, mais convaincue qu’on lui répéterait toujours la même chose, elle cessa de questionner et de parler. Tout le long de la route, avec les yeux grands ouverts que la comtesse connaissait si bien et dont elle redoutait l’expression, Natacha restait assise immobile dans le coin de la voiture. De même maintenant, elle était assise sur le banc où elle s’était laissé tomber. Elle pensait à quelque chose qu’elle décidait, ou avait déjà décidé en son esprit. La comtesse le savait. Mais qu’était-ce ? Elle l’ignorait et cela l’effrayait, la tourmentait.

— Natacha, déshabille-toi, ma petite colombe, couche-toi sur mon lit (la comtesse seule couchait sur de la literie, madame Schoss et les deux jeunes filles couchaient sur du foin étalé sur le plancher).