Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol11.djvu/50

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votre cœur. C’est tout ce que je vous dis. Et, en cachant son émotion, toujours la même, il touchait de sa joue celle de sa fille et s’éloignait.

Bilibine, qui n’avait pas perdu la réputation de l’homme le plus spirituel et qui était l’ami désintéressé d’Hélène, un de ces amis qu’ont toujours les femmes brillantes, des amis qui ne sont jamais amoureux, un jour Bilibine, en petit comité, exprima à son amie Hélène son opinion sur cette affaire.

Écoutez, Bilibine (Hélène appelait par leur nom les amis intimes), dites-moi comme vous diriez à une sœur : que dois-je faire ? Lequel des deux ? Et elle touchait de sa main blanche, chargée de bagues, la manche de son habit. Bilibine plissa son front et, un sourire sur les lèvres, devint pensif puis dit :

Vous ne me prenez pas à l’improviste, vous savez, comme véritable ami, j’ai pensé et repensé à votre affaire. Voyez-vous, si vous épousez le prince (c’était un jeune homme), vous perdez pour toujours la chance d’épouser l’autre, et puis vous mécontentez la cour. (Comme vous savez, il y a une espèce de parenté.) Mais si vous épousez le vieux comte, vous faites le bonheur de ses derniers jours, et puis, comme veuve du grand… Le prince ne fait pas de mésalliance en vous épousant. Et Bilibine déplissa son front.

Voilà un véritable ami ! dit Hélène, rayon-