Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol11.djvu/90

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ordres contradictoires du comte et s’y perdait tout à fait. Les domestiques criaient, se disputaient, faisaient du tapage et couraient à travers les chambres et dans la cour. Natacha, avec la passion qu’elle apportait à tout, se mit aussi à l’ouvrage. D’abord, son intervention dans l’emballage fut regardée avec méfiance. On attendait toujours d’elle une plaisanterie et l’on se demandait s’il fallait lui obéir. Mais elle, avec obstination et ardeur, exigea l’obéissance, se fâcha, faillit pleurer parce qu’on ne lui obéissait pas, et elle obtint enfin que tous l’écoutassent. Son premier acte, qui lui coûta de grands efforts et lui donna le pouvoir, fut l’emballage des tapis. Dans la maison du comte il y avait des gobelins de grande valeur et des tapis persans. Quand Natacha se mit à la besogne, il y avait dans la salle deux caisses ouvertes : l’une presque pleine de faïences, l’autre de tapis. Il restait encore beaucoup de faïences sur les tables et l’on en apportait encore d’un cabinet noir. Il fallait se mettre à remplir une troisième caisse ; les domestiques allèrent la chercher.

— Sonia, attends, nous emballerons comme ça, dit Natacha.

— C’est impossible, mademoiselle, on a déjà essayé, dit le sommelier.

Et Natacha se mit à tirer rapidement de la caisse les plats et les assiettes enveloppés de papier.