Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/113

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d’un maraîcher qui, pour chasser de son potager l’animal qui piétine les massifs, courrait à la porte et commencerait à frapper cet animal sur la tête. La colère seule pourrait justifier le maraîcher. Mais on ne pouvait admettre cela pour les auteurs du projet, car ce n’étaient pas eux qui souffraient des massifs piétinés. Mais, outre qu’il eût été insensé de barrer la route à Napoléon et à son armée, c’était impossible.

C’était impossible, premièrement, parce que — fait d’expérience — le mouvement des colonnes, à la distance de cinq verstes du champ de bataille, ne coïncidait jamais avec les plans faits à l’avance, de sorte que la probabilité que Tchitchagov, Koutouzov et Vittenstein se réunissent au lieu et temps déterminés était si minime qu’elle équivalait à l’impossibilité. Koutouzov pensait ainsi, et quand il reçut le plan, il objecta que les diversions à grandes distances ne donnent jamais le résultat cherché.

Deuxièmement, il était impossible parce que, pour paralyser cette force d’inertie avec laquelle se retirait l’armée de Napoléon, il fallait avoir beaucoup plus de troupes que n’en avaient les Russes.

Troisièmement, c’était impossible parce que l’expression militaire « couper » n’a aucun sens. On peut couper un morceau de pain, on ne peut pas couper une armée. Couper l’armée, lui barrer la route, c’est absolument impossible, il y a toujours