Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/154

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s’appuyaient sur elle. On entendit des cris joyeux, grossiers, et des rires.

— Prenez à deux ! Donne aussi le levier ! Comme ça ! Où vas-tu ?

— Eh bien, d’un coup… Mais attention, camarades !… Après le signal.

Tous se turent et une voix pas très haute, agréable, entonna une chanson. À la fin du troisième couplet, vingt voix crièrent en même temps :

— Hou ! Hou ! Hou ! Ça marche ! Une ! Plus fort, camarades !…

Mais malgré les efforts réunis, la barrière ne cédait pas, et, dans le silence rétabli, s’entendaient des respirations entrecoupées.

— Hé ! vous, de la troisième compagnie ! Les diables ! Aidez-nous, nous vous aiderons aussi…

Une vingtaine d’hommes de la troisième compagnie qui se rendaient au village se joignirent à eux et, portant sur leurs épaules la claie longue de cinq sagènes, large d’une sagène, ils s’avancèrent dans la rue du village.

— Va… Hein ! Pourquoi t’arrêtes-tu ? Ça va…

Les interpellations grossières et joyeuses se succédaient.

— Qu’est-ce que vous faites là ? fit tout à coup la voix autoritaire d’un soldat qui se heurtait contre les porteurs. Les officiers sont ici, dans l’isba, avec le général lui-même, et vous, crapules… je vous ferai voir ! s’écria le sergent. Et il frappa dans