Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/228

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Marie n’en voyant pas la fin se leva la première et, se plaignant de la migraine, dit adieu.

— Alors, vous partez demain à Pétersbourg ? dit-elle à Pierre.

— Non, je ne pars pas, fit Pierre d’un air surpris. Oui, mon voyage à Pétersbourg ? Demain. Seulement, je ne vous dis pas adieu. Je passerai prendre vos commissions, dit-il en restant debout devant la princesse Marie, rougissant et ne partant pas.

Natacha lui tendit la main et sortit.

La princesse Marie, au lieu de s’en aller se rassit et, de son regard rayonnant, profond, regarda gravement et attentivement Pierre. La fatigue qu’elle laissait voir auparavant était tout à fait disparue maintenant. Elle soupira profondément, comme si elle se préparait à une longue conversation.

Toute la gêne et la gaucherie de Pierre avec Natacha disparurent momentanément et firent place à une animation émue. Il rapprocha vivement sa chaise de la princesse Marie.

— Oui, j’ai voulu vous dire, fit-il, répondant à son regard comme à des paroles. Princesse, aidez-moi ! Que dois-je faire ? Puis-je espérer ?… Princesse, mon amie, écoutez-moi ! Je sais tout. Je sais que je ne la vaux pas. Je sais qu’il est maintenant impossible de lui parler de cela. Mais je veux être son frère. Non, je ne le veux pas, je ne le peux pas…