Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/229

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Il s’arrêta et se frotta le visage et les yeux.

— Eh bien ! Voilà, continua-t-il avec un effort visible pour parler logiquement. Je ne sais pas depuis quand je l’aime. Mais c’est elle sûrement que j’aimai toute ma vie et je l’aime tant que je ne puis m’imaginer la vie sans elle. Demander sa main, je ne l’oserais maintenant, mais la pensée que peut-être elle pourrait être à moi et que je laisserais échapper cette possibilité… cette pensée… est terrible ! Dites, puis-je espérer ? Dites, que dois-je faire ? Chère princesse… prononça-t-il après un court silence en lui touchant le bras, car elle ne répondait point.

— Je pense ce que vous-même avez dit, répondit la princesse Marie. Voici ce que je vous répondrai : Vous avez raison… lui parler d’amour maintenant…

La princesse s’arrêta. Elle voulait dire : Maintenant il est impossible de lui parler d’amour. Mais elle s’arrêta, car depuis trois jours elle avait vu, au changement qui s’était opéré en Natacha, que non seulement elle ne serait point offensée que Pierre lui exprimât son amour, mais qu’elle n’attendait que cela.

— Maintenant lui parler… On ne peut pas, dit cependant la princesse Marie.

— Mais alors, que dois-je faire ?

— Fiez-vous à moi, répondit la princesse Marie. Je sais…

Pierre la regardait dans les yeux.