Page:Tolstoï - Œuvres complètes, vol12.djvu/234

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trer au service, quand on discutait des affaires gouvernementales, quand on parlait de la guerre, en supposant que de telle issue d’un événement dépendrait le bonheur de tous les hommes, il écoutait avec un sourire doux, compatissant et étonnait ses interlocuteurs par ses observations étranges. Mais ceux qui, selon Pierre, comprenaient le vrai sens de la vie, c’est-à-dire ses sentiments, aussi bien que ces malheureux qui, évidemment, ne le comprenaient pas, tous, dans cette période, se présentaient à lui sous la lumière brillante des sentiments qui étaient en lui, de sorte que, sans le moindre effort, en n’importe quel homme il voyait d’un coup tout ce qui était bon et digne d’amour.

Quand il examinait les affaires et les papiers de sa femme, il n’éprouvait pour sa mémoire aucun autre sentiment que la pitié qu’elle n’eût pas connu le bonheur qu’il connaissait maintenant.

Le prince Vassili, particulièrement fier en ce moment à cause d’une nouvelle nomination et de l’étoile, lui paraissait un vieillard touchant, bon et digne de pitié.

Souvent ensuite, Pierre se rappela ce temps de folie heureuse. Tous les raisonnements qu’il se faisait sur les gens, durant cette période de temps, restèrent en lui pour toujours. Il ne voulait pas renoncer dans la suite à ces opinions sur les hommes et les choses, mais au contraire, dans le doute et la contradiction intérieure, il avait re-